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Ce n'était au départ qu'une idée un peu potache et personnelle que celle d'utiliser en une seule fois l'ensemble des quarts d'heure bonus que j'ai cumulé quotidiennement et de façon tout à fait fortuite pour effectuer, à Vélib, un trajet un peu atypique. C'était sans compter sur la magie du net qui a transformé le semblant d'appel à un soutien logistique aux bonnes âmes amusées en une opération quasi-médiatique avec tous les superlatifs immérités qui lui ont été donnés. Ce fut donc un projet un peu intismiste, une ballade entre copains, mais ponctuée d'interviews et de quelques photos pour des presses locales enthousiastes.

Paris, porte Dauphine - Le Havre, place de l'hôtel de ville

Nous nous sommes retrouvés à six à prendre la route ce vendredi 19 juin au soir sur les coups de minuit. Un petit peloton tout de même donc et le gros de l'effort fut pour eux, ils méritent bien que je les cite: Arthur, Mathieu, Sebastien et Charles sur leurs vélos respectifs, des vélos adaptés à des trajets sur routes bien sûr, et Guillaume à qui est revenu le rôle de nous suivre dans une sorte de safety car, un atout indispensable et une abnégation à toute épreuve puisqu'il aura passé quasiment autant de temps à nous suivre entre 20 et 25 kms/h en un seul week-end que j'ai pu moi même accumuler de minutes bonus en une année ! Quelques proches sont là pour le départ, pour m'encourager et faire quelques photos. L'heure H arrive, je décroche mon Vélib et sans plus tarder quitte la porte Dauphine sous les hourras enthousiastes et immérités encore de la foule. Je passe les détails sur la traversée du bois de Boulogne à cette heure tardive et nous nous mettons à rouler plus ou moins en ligne vers Chatou où nous récupèrerons Sébastien. Ce local de l'étape nous guide pour sortir de la banlieue parisienne et nous profitons, d'une part, de l'absence de circulation nocturne et, d'autre part, de l'état forme inhérent à ce début de parcours pour maintenir une bonne moyenne kilométrique. Nous arrivons donc très rapidement à Mantes où un léger arrêt photo s'impose pour fêter la satisfaction d'avoir parcouru un quart de notre trajet aller en seulement deux heures et trente minutes là où j'en estimais quatre, voire cinq. Nous traversons Mantes et nous arrêtons réellement à Rosny s/Seine pour manger un morceau. Le manque de sommeil ne se fait pas encore trop sentir, la forme est là: tout va bien. Nous ne trainons d'ailleurs pas trop car à l'arrêt les températures, malgré le mois de juin, sont assez basses et nous reprenons notre route en espérant presque une petite côte qui nous réchaufferait. Ce voeu s'exauce d'ailleurs rapidement car la côte de Rolleboise se dessine devant nous, la première vraie difficulté. Dès le début je ne suis plus, mes acolytes s'échappent sans vraiment le vouloir et je décide de monter lentement mais surement, le parcours recèle très probablement d'autres endroits aussi sympathiques et il est plus prudent que je me ménage. Charles qui a fait l'acquisition de son vélo la veille du départ et ne bénéficie donc d'aucune expérience est également en difficulté mais petit à petit nous parvenons tous les deux jusqu'en haut. Les kilomètres qui suivent nous offrent un dénivelé plus raisonnable et nous reprenons un rythme assez élevé. La fatigue n'est pas encore trop présente donc nous roulons en continu conscients, de toute façon, que les températures nous empêchent aussi de faire trop d'arrêts. L'ambiance est bonne et je m'essaie même à des semblants d'échapées en espérant ne pas trop les payer plus tard. En approchant de la mi-parcours nous attaquons, entre Gaillon et Louviers, une portion sinusoïdale de la route. Les kilomètres commencent à se faire sentir et ma lourde monture m'épuise petit à petit, chaque sommet à venir est plus impressionnant que le précédent gravi pourtant les dents serrés. C'est un passage très difficile dans lequel je perds énormément de temps, je ne pose pas le pied à terre et essaie de profiter des descentes pour bénéficier d'un maximum d'élan mais mes cuisses commencent à être vraiment douloureuses. Je finis chaque fois l'ascension à bout de souffle et découvre avec angoisse un sommet suivant qui se dessine grâce au jour qui pointe. Enfin j'en viens à bout et attaque une très longue descente vers Louviers où un arrêt s'impose. Nous sommes au 100ème kilomètre il est 5h30.

Nous nous arrêtons presque une demie-heure pour nous restaurer correctement et discuter de ces derniers kilomètres dans lesquels je ne suis pas le seul à avoir souffert. La bienséance m'oblige à taire, hélas, les noms. Guillaume en voiture tombe de sommeil et décide sagement de nous laisser partir devant maintenant que le jour est là et que ses phares ne nous sont plus indispensables. De notre côté nous repartons car le froid nous saisit toujours et nous espérons trouver à Elbeuf un café ouvert où nous pourrons nous arrêter plus conséquemment et nous réchauffer. Malheureusement nous ne trouvons rien et traversons Elbeuf en attente de Bourgtheroulde. A la sortie d'Elbeuf nous nous attaquons à une longue portion ascendante dotée par ailleurs d'un revêtement pas vraiment optimal pour en obtenir un rendu excellent. Ces quelques kilomètres achèvent le travail entamé par la forêt de Bord-Louviers, je n'en peux vraiment plus et suis quasiment à l'arrêt. J'avance comme je peux mais le vent se met également à souffler et mon subconscient commence à s'imaginer les pires souffrances que je pourrais faire endurer à un responsable de la DDE de l'Eure. J'arrive, ahanant, bien après mes équipiers en haut de ces difficultés et suis vraiment au bord du gouffre. Un semblant d'arrêt s'organise mais chaque redémarrage est difficile donc je ne souhaite pas les multiplier, aussi comme la route descend vers Bourgtheroulde je repars rapidement devant en espérant y trouver un café d'ouvert. Pour mon plus grand bonheur c'est le cas et nous profitons de la douceur d'une banquette, de la chaleur d'un café et de quelques viennoiseries. La fatigue est bien présente et des micro-siestes s'organisent tandis que nous échangeons nos points de vue sur la qualité du revêtement que je suis visiblement le seul à avoir remarqué. Il ne nous reste que 70 kilomètres et ce n'est que le petit matin donc nous ne lésinons pas sur cet arrêt car nous avons déjà plusieurs heures d'avance. Je suis content de savoir que nous arriverons au Havre de bonne heure et pourrons donc bénéficier d'un temps de repos plus important que prévu car mes jambes ressemblent à s'y méprendre à des poteaux et le trajet retour en sera probablement plus difficile.

Nous finissons néanmoins par repartir après avoir gouté au charme de ce troquet normand et de ses habitués. J'entends d'ailleurs dans les conversations commenter notre présence: 'Les jeunes là ils sont partis ce matin et viennent de Paris en vélo. - Ah ? Ils doivent avoir de vraiment bons vélos.' et c'est amusés que nous enfourchons de nouveau nos montures respectives. Maintenant que le jour est bien là nous pouvons profiter du charme pittoresque des petites départementales à travers champs où nous croisons bien plus de bovins que de voitures. Je sens que je suis fatigué mais la pause m'a fait du bien. Je m'économise quand même car je sais que toute difficulté pourra me replonger dans mes abîmes. Je reste donc bien à l'abri du vent, qui s'est également joint au peloton, derrière mes équipiers. Nous atteignons rapidement Bourneville, à 50 kilomètres de l'arrivée, et commençons à distinguer le pont de Tancarville. Pour l'atteindre par nos petites routes autorisées aux vélos nous nous perdons un peu et c'est Guillaume qui, depuis sa voiture, nous remet souvent sur le bon chemin. Mes acolytes prenant d'ailleurs parfois un peu d'avance pour vérifier la route et m'éviter quelques hectomètres inutiles se perdent plus que moi. C'est ainsi que j'attaque seul la ligne droite qui doit m'emmener à Tancarville, vent de face qui plus est. Je serre un peu les dents pendant 600m mais rapidement ils me repassent devant et je suis déjà trop cuit pour prendre une roue. Je m'accroche comme je peux mais malheureusement je finis par m'arrêter, agonisant sur le bord de la chaussée. J'arrive à peine à marcher, mes cuisses sont dures comme du bois et je pense au trajet retour en cherchant objectivement s'il est vraiment sérieux de prendre la route pour 200 autres kilomètres dans cet état. Je n'ai pas de doute sur ma capacité à finir ce trajet aller mais vu mon état je me vois mal recommencer tout ce que j'ai déjà parcouru en sens inverse. Bref c'est l'occasion d'une ultime pause durant laquelle je me restaure avec mes équipiers venus faire fonctionner leurs appareils photo à l'occasion de cette détresse physique.

Enfin je parviens à me remettre en selle et nous repartons, le vent souffle toujours autant et je m'apprête à attaquer le fameux pont. Peu praticable pour les vélos car sans piste cyclable je n'y fais vraiment pas le fier, d'autant que la pente est raide. Je ne lâche pas des yeux le premier pilier après lequel je sais que le dénivelé devient nul, voire négatif. J'arrive en haut en forçant sachant que je viens de franchir, enfin, la dernière difficulté du parcours. Après le pont nous descendons une côte bien raide en épingles et je songe déjà qu'il me faudra la monter le lendemain. Bizarrement mes cuisses se sont assouplies et me font beaucoup moins mal, le fait de les avoir faites tourner sur la fin du pont et dans cette descente a du aider à éliminer de l'acide lactique. Nous prenons deux écluses afin de pouvoir rejoindre le Havre par le port, les pavés qui les séparent achèvent de nous faire découvrir des endroits insoupçonnés de nos corps et j'ai une rapide pensée pour ces vrais cyclistes qui traversent chaque année la tranchée d'Arembert. La route se poursuit en suivant la Seine et au travers de prés où galopent des chevaux avant de rejoindre la zone industrielle bien moins bucolique. Cette dernière ligne droite de 20 kilomètres est interminable, le vent souffle droit sur nous mais j'arrive tout de même à rester dans les roues. Une route parfaitement rectiligne qui n'en finit pas de se dessiner au loin. Au bout de presque une heure de cette route nous entrons, enfin, dans la ville du Havre, par le port, assurément son meilleur profil. L'architecture ne nous fait pas rêver et nous attendons de rejoindre le centre pour en découvrir plus. Nous finissons par rejoindre des rues plus classiques que, étant venu plusieurs fois, je reconnais. Les quelques feux qui nous séparent encore de l'hôtel de ville me semble être des dizaines mais finalement, après treize heures de trajet, je finis par déposer mon Velib devant l'hôtel de ville havrais avant de m'écrouler de fatigue dans la pelouse bordant la place. Nous sommes un peu hagards d'en avoir fini, je ne pense à rien, j'ai juste une vague idée qu'il serait de bon ton de faire une photo ou deux mais la fatigue s'impose à moi et je ne parviens pas à avoir une seule idée claire.

Le reste de la journée se passe dans le calme, à l'hôtel, entre quelques courses et une interview pour la presse locale. Nous sommes tous crevés et nous jetons d'emblée sur nos lits ou dans nos bains et pas forcément dans le bon ordre. Le soir nous n'avons même pas la force de participer à la fête de la musique fêtée avec un jour d'avance et filons nous avaler un plat de pâtes dans un restaurant où la tenancière est débordée par les événements et nous gratifie d'un service impitoyable. Les cuisses vont un peu mieux de mon côté mais j'appréhende tout de même fortement le lendemain, probablement aussi dur que l'aller sauf que je l'attaquerai avec de la fatigue cette fois. Il est donc fort probable que nous mettions plus de treize heures pour rentrer, et même si nous avons de bonnes chances de rentrer en début de soirée nous prévoyons un départ pour 7h00 le lendemain afin de s'assurer d'avoir un maximum de chance de rentrer avant minuit, heure d'échéance de mes 48 heures de bonus.

Le Havre, place de l'hôtel de ville - Paris, porte Dauphine

Une bonne nuit de sommeil, un petit déjeuner copieux et me revoila en selle. Charles décide de ne pas remonter sur son vélo mais d'accompagner Guillaume en voiture. De mon côté je suis plutôt satisfait du repos car je me sens bien physiquement, pas au top mais bien. Nous faisons un crochet avant de partir pour faire une photo de groupe devant l'hôtel de ville et repartons par là où nous sommes arrivés la veille, il est presque 8h, déjà une heure de perdue. L'interminable ligne droite de la veille est toujours aussi longue mais se passe plutôt bien, je sais que le vent dans le dos peut constituer un atout mais je ne sais pas si cela suffira à contrecarrer l'effet de la fatigue. Je prends toutes les roues que je peux et nous fonçons vers Tancarville. En y arrivant il nous faut monter la côte en épingles descendue la veille. Je l'ai bien repérée hier et, la fraicheur étant là, j'en viens à bout en gérant convenablement mon effort. Le pont lui même n'est pas un obstacle dans ce sens et je m'offre même une pointe de vitesse dans la descente qui le suit. Je ne rivalise clairement pas avec les plus de 70 kms/h atteints par mes trois camarades mais la sensation est là. Nous sommes à 15-20 kilomètres du km 50, point que je m'étais fixé comme objectif à atteindre sans faire de pause et de voir où j'en étais. Nous n'y sommes pas encore mais je sais déjà que je ne m'y arrêterai pas, j'arrive à bien rouler (la moyenne est autour de 26 kms/h) et je veux en profiter. Nous passons donc Bourneville sans s'y intéresser et roulons en peloton serré vers Bourgtheroulde. Quelques côtes et faux-plats (la répartition dans ces deux catégories des routes que nous prenons donne d'ailleurs lieu à un intéressant débat sémantique) se dressent sur la route mais je parviens mieux à gérer que la veille et arrive chaque fois en haut sans trop forcer. Les kilomètres défilent et je suis au bord de l'euphorie, tout se passe idéalement. Je suis même tenté de me dire que c'est plus facile que la veille même si, à la réflexion, les 80 premiers kilomètres de la veille avaient été faciles également. Un oeil pour le café de Bourgtheroulde où nous nous sommes arrêtés la veille mais nous poursuivons sans poser le pied à terre. Le rythme est toujours là, je me sens vraiment bien et je sais que j'irai au bout même si je n'y pense pas trop. Arthur profite d'Elbeuf pour faire un peu de tourisme tandis que je poursuis en direction de Louviers avec les autres. A St Pierre les Elbeufs nous nous arrêtons, avant Louviers et ses difficultés. Je les appréhende mais suis serein, nous venons de profiter d'une très longue descente, que nous avions donc monté la veille, celle de Louviers ne peut pas être pire, si je m'en suis sorti hier il en sera de même aujourd'hui. Pendant notre arrêt un cycliste local engage la conversation amusé de ma monture et visiblement au courant de mon aventure. De mon côté je passe quelques coups de fil pour expliquer qu'à 11h15 nous sommes déjà au km 90.

Nous repartons en direction de Louviers. A la sortie de la ville la côte se dessine, je me souviens de la descente interminable de la veille dans le froid. Il est maintenant question de remonter tout ça. Les premiers hectomètres sont les plus raides et déjà j'y peine, je me fixe des visées où le pourcentage, me semble-t-il, diminue. Tout le monde se souvient de la difficulté et mes équipiers m'encouragent mais je sens clairement les 22 kilogrammes que je tente de hisser à la force des cuisses. Parvenu en haut je songe déjà aux trois collines qui doivent suivre, celles qui ont lancées les hostilités du trajet aller. Je les appréhende peut-être un peu trop car elles sont moins dures que prévues, un bon élan dans les descentes, une bonne gestion de l'effort et les voici déjà derrière moi. Je suis plus que content d'avoir bien passé ces difficultés, j'ai un vrai coup de pêche en m'élançant vers Gaillon où nous retrouvons Philippe qui, venant de Flins à notre rencontre, vient déjà de parcourir cinquante kilomètres avec le vent de face pour pouvoir m'accompagner quelques heures. La satisfaction d'avoir désormais passé la partie la plus difficile me ragaillardise et nous filons à 30 kms/h sur les portions planes qui suivent. La circulation se fait plus dense aussi nous nous arrêtons pour remettre nos gilets de sécurité et pour décider de nous détourner, à Vernon, par Vernonnet et Giverny afin de bénéficier de routes plus sympathiques et moins encombrées. Charles en profite pour manifester un regain d'orgueil et enfourche son vélo pour faire avec nous les 80 derniers kilomètres. Nous ne sommes pas déçus: la traversée de la ville de Monet est très agréable, très peu de circulation et de la verdure partout. Nous passons quelques kilomètres à jouer les esthètes en détaillant les paysages d'où sont nés tant d'oeuvres impressionnistes. Nous voulions du bucolique et nous sommes servis, les kilomètres s'enchainent.

Nous manquons l'embranchement devant nous permettre de récupérer Bonnières s/ Seine et Philippe, le local, nous guide au travers de La Roche Guyon, Haute-Isles et les bourgs du coin. Nous y rencontrons de très belles côtes et je constate que si j'arrive à maintenir une bonne allure sur du plat il n'en est rien lorsqu'il s'agit de gravir le moindre raidillon. La côte de la Roche Guyon me scotche littéralement sur place et Philippe prenant pitié m'aide gentiment à aller jusqu'en haut. Ce ne sera que côtes et descentes jusqu'à Mantes et je mettrai un temps incroyable à parvenir en haut de chaque sommet. Au détour d'une pause, en haut d'une côte, quelques cyclistes et passants reconnaissent le Velib et ont l'oeil amusé là où la veille je passais bizarrement presque inaperçu. Nous tentons de leur expliquer d'où nous venons mais leur scepticisme sur la véracité de nos dires est à peine voilé. La vue de la Collégiale de Mantes, après une ultime côte, m'aide à tenir au moral, plus que cinquante kilomètres, soit tout de même 3 bonnes heures de route encore car la circulation fera chuter notre moyenne, toujours au delà des 25 kms/h pour le moment. Nous nous perdons un peu dans Mantes mais finissons par limiter la perte de temps en gagnant probablement quelques hectomètres par une piste cyclable pourtant peu pratiquable. Nous retrouvons la route de Porcheville et passons devant notre tout premier arrêt photo de la veille. Je fais un rapide calcul pour vérifier que l'heure d'arrivée que j'ai annoncé par téléphone sera tenue, soit entre 18H00 et 18h30, horaire encore impensable ce matin ! Philippe nous laisse à Flins, je le remercie du coup de pédale et repars pour les trente derniers kilomètres. La nationale est peu propice à notre circulation, beaucoup de voitures, nous ne regrettons pas les quelques kilomètres supplémentaires dus à notre détour par la Roche Guyon qui nous ont permis de ne rejoindre la N13 que maintenant. A présent plus le choix nous sommes obligés de nous plonger dans les bouchons, les automobilistes furax et toute cette détresse urbaine qui ne nous avait pas manquée. Des feux, rarement au vert, ponctuent notre route de nombreux arrêts, les redémarrages sont chaque fois plus difficiles, je commence vraiment à avoir du mal à emmener la machine. Une fois lancé ça se passe un peu mieux mais à partir de St Germain en Laye nous nous arrêtons tous les 200m pour attendre un feu vert. L'arrêt photo devant le chateau de St Germain s'impose et tandis que nous repartons vers la circulation j'entends une passante se questionner en me voyant: "Il y a des Velib à St Ger' ?", amusé je me remet en selle. Dans sa voiture Guillaume commence à avoir du mal à ajuster son positionnement pour pouvoir être à portée, il nous suit jusque Chatou puis part de son côté vers la porte Dauphine. Une fois Chatou passée je commence à ne plus penser qu'à l'arrivée. Elle est proche et pourtant me semble encore tellement loin. Je me sens vraiment fébrile d'un coup et commence à ne plus avoir les idées claires du tout. Une sorte de légère envie de vomir se manifeste et je n'avance quasiment plus, la plus petite côte se transforme en un mont Ventoux infranchissable. Je commence à faire les poches de mes équipiers pour manger tout ce qu'ils ont encore sur eux et pouvoir aller au bout mais ça ne me suffit pas, je n'avance pour ainsi dire plus. Je suis tellement mal que je ne réfléchis plus et m'entête, à la sortie de Nanterre, à reprendre le même chemin qu'à l'aller plutôt que de suivre mon peloton qui prévoyait un crochet par la porte Maillot. Je le paye cher car je m'impose ainsi la montée du Mont Valérien, supplice s'il en est dans l'état dans lequel je me trouve. Je monte sans conviction résigné, zigzagant au milieu de la chaussée à une allure qui m'empêche à peine de chuter. Je n'en peux plus, mes cuisses ne me font pas mal non: je n'ai tout simplement plus de force. Je finis néanmoins par m'en sortir, priant tous les Dieux pour qu'il n'y ait plus une seule petite côte. Malheureusement je ne sus pas épargné et la seule vue du pont de Puteaux manque de me faire défaillir. Arthur m'encourage en me disant que c'est la toute dernière difficulté mais ça ne me convainc guère. Une fois le pont passé, je ne sais comment d'ailleurs, la vue du bois de Boulogne et les barres de céréales avalées un peu plus tôt font leur effet et je sors un tout petit peu la tête de l'eau pour regagner la porte Dauphine. Mes acolytes se postent derrière moi, je sais donc que c'est vraiment la toute fin. Un dernier virage à droite dans le bois et logiquement le rond-point doit s'offrir à moi. J'essaie de faire bonne figure, la place est là devant moi. 400 kms de Velib qui vont s'achever ici après un retour sans grande difficulté s'il n'y avait eu ce cauchemard final. La station Velib est là, je vois ma femme qui m'y attend. Je prend le rond-point par la piste cyclable, plus que quelques mètres et j'y suis. J'arrive tant bien que mal à sourire et ne pense plus à ce que je viens de traverser. J'y suis. Après 11 heures de trajet depuis notre départ matinal je viens, enfin, à bout de mon effort.

Je pose mon Velib et en descends, satisfait, serein, enfin le calme, enfin je vais m'arrêter. C'était sans compter une journaliste de France Bleu Ile de France qui se jette sur moi et m'assaille de questions auxquelles je fais des réponses vagues et trop peu contruites mais compte tenu de mon état je ne peux vraiment pas en faire plus. Tout le monde se félicite chaleureusement je suis plus que content d'en être venu à bout, à vrai dire je n'en ai jamais douté même si je savais que ça serait difficile. Le retour m'a semblé facile finalement, pourtant j'en ai bavé dans les côtes des derniers kilomètres et surtout durant cette arrivée calamiteuse. Je mange ce qui reste des vivres et retrouve peu à peu mes esprits. Je peux saluer ceux qui sont gentiment venus m'accueillir tandis que la journaliste, constatant la nullité de mes réponses, s'intéresse enfin à d'autres personnes pour étoffer son reportage. La forme revient peu à peu et je commence à réaliser que j'en ai terminé de ce long projet, cette idée lancée comme une farce il y a quelques mois et qui m'a tenu en haleine pendant 400 kms sur un vélo de plus 22 kilogrammes.

Je voudrais chaleureusement remercier tout ceux qui m'ont accompagné dans cette aventure loufoque: mes équipiers, ma femme, mes proches et bien sûr ceux qui en ont facilités la logistique: Le Novotel du Havre et 3M ScotchLite. Merci également à tous ceux qui se sont intéressés au projet, de près comme de loin, aux frogus, au kwak et à tous ceux qui, amusés, m'ont envoyés de gentils messages avant et pendant l'épopée. Merci à ceux qui se sont déplacés en pleine nuit pour me voir partir et à ceux qui ont patiemment attendus porte Dauphine que je daigne arriver. Il est à noter également que la chance nous a accompagnés sur le trajet car nous n'avons essuyés qu'une fine pluie en approchant du Havre et n'avons à déplorer aucun souci technique, même mineur. Aucune crevaison, aucun problème de chaine, de pédalier, de frein...j'en passe et ce y compris pour le Velib, c'est dire la robustesse de l'engin même s'il n'est pas du tout conçu et étudié pour ce genre de trajet. Je présente également mes plus plates excuses à Audrey, Gautier et Margot pour n'avoir su mener à bien cette aventure avant qu'eux même ne déménagent du Havre où nous n'avons donc pas pu nous croiser.